Pendant que les plans du Royaume-Uni pour le « Super Mur de Calais » font la une, une plus importante affaire de sécurité à Calais s’est traitée silencieusement et sans être remarquée : la privatisation à hauteur de £80 million d’une bonne partie de la sécurité des frontières dans le Nord de la France.
Sans tambour ni trompettes, le Home Office a fait paraître une annonce sur le site européen public « TED » le 9 Juillet 2016 [ http://ted.europa.eu/udl?uri=TED:NOTICE:241269-2016:TEXT:EN:HTML&src=0 ]. C’était un appel d’offres pour un contrat estimé à £80 million afin de pourvoir des postes pour « 40 agents de fouille assermentés, 24 heures par jour, 365 jours par an » pour la société Eurotunnel et pour les ports de Calais et Dunkerque. Trois des personnels en service doivent aussi être qualifiés comme « agents de surveillance de détenus », responsables de détenir, dans les aménagements du Home Office présents dans les ports, les migrants arrêtés avant qu’ils soient livrés à la police aux frontières française.
C’est déjà de loin le plus gros contrat de sécurité privée annoncé pour Calais. Cela annonce aussi une privatisation de masse de la sécurité des frontières : ces emplois sont actuellement tenus par des agents de la Border Force du Home Office. Il existe une exception pour les aménagements de détention de l’Eurotunnel et de Dunkerque. C’est déjà sous-traité à Tascor, une filiale de Capita, étant une partie d’un autre énorme contrat de sécurité aux frontières pour toutes les « escortes » des déportations et les aménagements de détention à court terme. Un nouvel appel d’offres est actuellement aussi en cours pour ce contrat. Le Home Office a aussi de plus petits contrats privés à Calais pour la sécurité comme les maîtres-chiens, contrat gagné par une entreprise dénommée Wagtail, et avec l’entreprise de sécurité EDS Cork à Dunkerque.
La date limite des candidatures pour le nouveau contrat, gigantesque celui-là, a expiré le 18 Août. Il n’y a pas eu d’annonce pour l’instant sur qui remporte le jackpot de la garde des frontières. A côté de Tascor, les autres fournisseurs privilégiés du Home Office incluent G4S, Seco, Mitie et GEO, qui gèrent tous des centres de détention sur le territoire du Royaume-Uni.
En détails, le contrat comprend :
« Fouille de véhicules (de fret et de tourisme), fouille de personnes, détention et services d’escorte. Il est demandé au fournisseur de prévoir des équipes d’agents de fouille assermentés qui : fouilleront les véhicules en utilisant la technologie de détection ou en travaillant en collaboration avec un autre fournisseur contracté pour fournir des équipes de chiens de détection ; et des fonctions d’escorte qui peuvent requérir la détention d’un individu, pour une période qui est aussi courte que raisonnablement nécessaire et qui n’excède pas 3 heures, en attendant l’arrivée d’un agent de la Border Force ou toute autre autorité à qui l’individu doit être livré. »
Voici quelques unes des plus importantes annonces de financement au sujet de la “sécurité” de Calais au cours des dernières années, dont la somme n’atteint pas 80 millions de livres mais qui permettent de contextualiser celle dont il est question ici :
- 2014 : La Commission Européenne accorde 3,8 millions € de “financement d’urgence” pour co-financer la création du centre de jour “Jules Ferry”. [Mentionné ici : http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/news/2015/20150831_1_en.htm ]
- Septembre 2014 : fond commun de 12 millions £ & 15 millions € établi par Bernard Cazeneuve et Theresa May. [Quelques détails sur la répartition des dépenses sont fournis ici : https://www.whatdotheyknow.com/request/253987/response/654102/attach/3/34419%20Brooks%20Final.pdf ]
- Juillet 2015 : La Grande-Bretagne annonce 2 millions £ pour une “zone de sécurité” à Calais pour les camions à destination de la Grande-Bretagne, et 7 millions £ pour d’autres mesures de sécurité. [http://www.bbc.com/news/uk-33992952]
- Mars 2015 : la Grande-Bretagne demande à bénéficier de l’AMIF auprès de la Commission Européenne à hauteur de 27 millions € pour des financements liés aux migrations, qu’elle reçoit quelques mois plus tard. La France reçoit également 20 millions € de ce fond en août 2015.) [Calais ne semble cependant pas avoir été le principal motif d’utilisation de ces fonds. En Grande-Bretagne, ils ont principalement été utilisés pour des expulsions : https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/542335/AMIF_Project_List_July_2016.pdf ]
- Août 2015 : Déclaration conjointe intitulée “Gérer les flux migratoires à Calais” : la Grande-Bretagne s’engage à payer 3,5 millions £ (5 millions €) par an pendant deux ans pour la réalisation des mesures de la déclaration, en plus des sommes déjà promises. La déclaration explique qu’il y aura 500 agents de police supplémentaires britanniques et français, ainsi que des équipes de fouille de cargaisons supplémentaires, des chiens et des vols charters d’expulsions britannique. [http://www.bbc.com/news/uk-33992952 ]
- 31 août 2015 : la Commission Européenne annonce 5,2 millions € “d’aide d’urgence” pour aménager la zone autour de Jules Ferry et pour financer le “transport” de personnes réfugiées et migrantes de Calais vers d’autres lieux en France. [ http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/news/2015/20150831_1_en.htm ]
- Mars 2016 : dans ses conclusion le sommet franco-britannique annonce 17 millions £ (22 millions €) pour la sécurité de Calais (et 2 milliards € approximativement pour un programme de drones). [ http://www.france24.com/en/20160303-hollande-cameron-calais-migrants-drone-deal-franco-british-summit ]